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Penser la bande dessinée numérique

Comment l’écran a t-il changé la bande-dessinée en France ?

Introduction

Il est aussi dificile de définir ce qu’est exactement la bande-dessinée numérique, que de définir ce qu’est la bande-dessinée. De nombreux théoriciens se sont essayés à l’exercice et ont proposé diverses définitions, mais c’est finalement souvent par l’exemple et surtout le contre-exemple que l’on parvient le mieux à cerner ce qu’est la bande dessinée. Je retiendrai néanmoins quelques notions fondamentales qui, si elles ne définissent pas la bande-dessinée, permettent de circonscrire quel type d’œuvre peut ou ne peut pas être de la bande-dessinée. Celle de Scott McCloud1 : « Images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur ». Le théoricien Benoît Peeters cite Art Spiegelman pour définir la bande- dessinée2 : « Cartooning is the art of turning time back into space ». Il la traduit comme telle : « faire de la bande-dessinée c’est l’art de faire entrer le temps dans l’espace et/ou de traduire du temps en espace et/ou de ramener le temps à de l’espace ». Cette notion fondamentale de la bande-dessinée met en jeu le caractère à la fois tabulaire et successif de la planche.

Tabulaire, car le lecteur explore d’abord l’espace de la planche, et ce depuis l’âge d’or des Sunday strips au tout début du XXe siècle. Néanmoins, pour lire le déroulé de l’histoire, il faudra que le lecteur suive l’action case à case. Tributaires à l’époque du rythme des journaux (un strip de quelques cases par jour en semaine et la dernière page du journal le dimanche) et publiés sous condition de leur popularité chez les lecteurs, l’enjeu pour les dessinateurs de la page du dimanche était de retenir le plus longtemps possible les lecteurs sur le Sunday strip. C’était l’occasion de faire preuve d’inventivité et d’exploiter le grand format de la page, donnant lieu à de nombreux jeux de boucle compréhensibles en observant l’intégralité de la planche. Ces jeux de mise en page ont quelque peu été mis à mal par la compilation en album, qui contraint les récits à se suivre dans un ordre fluide et logique. Ainsi, la page est tout autant un espace de liberté qu’une contrainte pour les auteurs. Le numérique met en jeu un aspect jusque là moins débattu de la bande-dessinée : c’est un art littéraire. RodolpheTöpffer, (1799-1846) parlait d’ailleurs en son temps de Littérature en estampe pour désigner le médium de son invention. C’est-à-dire que celui qui reçoit la bande-dessinée est dans une position de lecteur. C’est une position particulière, différente de celle d’un spectateur, ou d’un joueur.

Le lecteur s’approprie le texte. Il est à la fois actif, et en position de recevoir la pensée de l’auteur. Aussi, les circonstances de lecture sont-elles importantes, elles déterminent en partie le souvenir qu’aura le lecteur de l’œuvre. Une intimité naît, de ce fait, entre le lecteur et le texte, voire souvent entre le lecteur et l’objet contenant le texte3. Le passage de la bande-dessinée du livre vers le numérique ne doit donc pas ignorer la position intellectuelle spécifique du lecteur. Si on fait interagir le lecteur avec le mécanisme de lecture, on le sort de son rôle de lecteur pour celui de joueur. À moins d’accepter le rôle hybride adopté par Anthony Rageul4 de lectacteur. Quoi qu’il en soit, le lecteur se verra dès lors contraint de s’adapter au nouveau rôle que l’auteur lui aura proposé. De ce fait, l’objet qu’il aura face à lui ne sera plus seulement de la littérature mais autre chose. Anthony Rageul parle de récit interface5.

L’arrivée de l’ordinateur a chamboulé bien des domaines. La bande-dessinée comme les autres arts a entrepris de s’adapter à ce nouveau media. Scott McCloud, s’est penché sur l’avenir potentiel de la bande-dessinée numérique dans un livre manifeste : Réinventer la bande-dessinée publié en 1994. Passionné par la bande- dessinée et la technologie, il imagine alors ce que deviendra la cohabitation entre la bande-dessinée et les écrans avec suffisamment de justesse, pour qu’encore aujourd’hui, les bande-dessinées numériques suivent les directions qu’il avait pressenties.

Son point de départ est la pensée qu’il développe dans son livre le plus connu l’Art invisible. Art invisible

Scott McCloud, extrait de L’art invisible, éditions Delcourt, 2007, 1993 version originale.

La bande-dessinée au sens moderne du terme a été pensée pour le livre depuis son invention par R. Töpffer. Mais l’on peut envisager que toutes images picturales ou autres volontairement juxtaposées en séquences forment une bande-dessinée. En suivant cette logique, on peut considérer que la colonne Trajane ou la tapisserie de Bayeux sont des bande-dessinées. La BD n’a pas besoin du livre pour exister. Au contraire, pour S. McCloud, le livre complexifie la bande-dessinée, car sur une très longue bande, les cases peuvent se succéder de manière continue. Tandis que le livre contraint les auteurs à trouver des astuces pour tout faire rentrer dans chaque page. Ces astuces au fil du temps sont devenues des habitudes (comme le suspens de bas de page) pour de nombreux auteurs et l’on associe aujourd’hui la bande-dessinée à la forme qu’elle prend dans les livres. Mais pour S. McCloud, le numérique est l’occasion pour la bande-dessinée de se séparer de la forme qu’on lui connaît habituellement, explorer son essence profonde et se réinventer. Il propose donc plusieurs méthodes de mise en page numériques.

La première consiste à composer des cases dans un format homothétique à l’écran. La deuxième, la lecture case à case, qui correspondrait au format dit turbomédia6 dans sa forme la plus aboutie aujourd’hui. Cette méthode pose problème à Scott McCloud, car elle perd l’un des aspects spécifiques à la bande-dessinée, qu’il nomme la carte du temps. Cette particularité évoquée par Art Spiegelman lorsqu’il dit Cartooning is the art of turning time back into space n’est pas constitutive de la bande-dessinée. Pour autant, elle est fondamentale pour beaucoup d’auteurs. Que serait une planche de Chris Ware sans lecture tabulaire ? ChrisWare

Chris Ware, extrait de Jimmy Corrigan: The Smartest Kid on Earth. Seattle, Fantagraphics Books, 1995.

La gouttière qui sépare les cases, lieu d’imagination pour le lecteur est pour S. McCloud une partie fondamentale de la BD. C’est pourquoi il propose avec la troisième méthode, de ne plus concevoir l’écran comme une page, mais comme une fenêtre. Cette fenêtre donnerait à lire, morceau par morceau, une bande-dessinée qui pourrait s’étendre dans toutes les directions et à l’infini. On pourrait recréer une très longue bande comme la tapisserie de Bayeux, le long de laquelle le lecteur défilerait au fur et à mesure de sa lecture. S. McCloud envisage alors les très nombreuses formes que pourrait prendre la bande-dessinée si l’on pense l’écran comme une fenêtre.

Il propose quelques essais sur son blog  de même que son compatriote Daniel Merlin Goodbray . Il publie par exemple un strip suivant le trajet d’une partie de jeux d’échecs, ou même une bande-dessinée dans laquelle l’utilisateur zoome pour passer d’une case à l’autre.

Toutes ces expérimentations sont très intéressantes, et pourraient trouver leur place dans des histoires pour accentuer une dramaturgie ou ajouter du sens au récit. Elles sont en revanche très souvent assez inconfortables à lire. Si les seules expressions courantes de cette méthode que Scott McCloud nomme la toile infinie se développent plutôt comme des bandes infinies horizontales ou verticales, c’est pour des questions liées au geste de lecture. Il ne faut pas oublier la position du lecteur, l’état d’esprit dans lequel il se trouve pendant la lecture. Pour éviter qu’il devienne joueur, il faut que le lecteur n’ait pas à penser la façon dont il interagit avec l’objet. Le lecteur qui tourne les pages d’un livre, n’est pas complètement conscient de son geste. Il tourne la page comme il prend sa respiration. C’est à mon avis l’expérience que doit proposer la lecture numérique. Et faire défiler la bande toujours dans la même direction (soit de haut en bas, soit de gauche à droite) est un geste beaucoup plus naturel. En s’effaçant, l’interactivité laisse la place à une intimité entre le lecteur et sa lecture. Et je donne raison à Scott McCloud quand il ajoute que l’adjonction de son ou de mouvement n’est pas exclue, à la condition qu’elle soit perçue comme un sous-produit de l’interaction avec le lecteur, créant alors une connivence supplémentaire avec l’œuvre.

Afin de mieux comprendre la façon dont l’écran a été perçu et exploité par les acteurs du neuvième art, j’établis dans le texte qui suit un inventaire des formes de la bande-dessinée numérique existantes. Je tenterai de poser les contours du paysage français actuel des formats de bande-dessinée sur écran. Notamment des formes ayant émergé ou survécu avec la révolution internet.

La pré-histoire

La bande-dessinée numérique, si elle existe au moins depuis les années 90, souffre d’un mal qui affecte bon nombre de productions numériques : l’oubli. En effet, nos outils numériques sont faits de telle sorte qu’une mise à jour en chasse une autre, et que petit à petit, on ne peut plus accéder au contenu ancien. Si bien que l’on oublie les expériences réalisées par les prédécesseurs : Ainsi, bien peu de bédéistes contemporains ont pu avoir accès à Opération Teddy Bear7. Consulter ce projet aujourd’hui requiert de la volonté et le bon système d’exploitation. Opération Teddy Bear est un CDrom , réédité suite à son succès. L’histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale en Normandie. On suit le périple de Paul, un jeune garçon qui possède des documents destinés à la résistance cachés dans son ours en peluche. TeddyBear

Édouard Lussan, pages d’acceuil du CDrom Opération Teddy Bear, Flammarion, Index+, 1996.

À l’origine, Édouard Lussant souhaitait réaliser une bande-dessinée imprimée. Mais il se voit refuser son projet, et c’est finalement Bruno De Sa Moreira, à la tête de Flammarion multimédia qui proposera au bédéiste d’adapter son histoire sous forme de CDrom interactif. On retrouve un système propre à l’éditeur numérique Index+ qu’est le Quick Move un espace retraçant notre progression dans la lecture du CDrom. QuickMove

Quick Move, marque-page interactif signe distinctif des productions Index+.

Opération Teddy Bear est riche de propositions spécifiques au numérique. Les créateurs de ce CDrom ont choisi de proposer au lecteur une expérience additive. C’est-à-dire d’ajouter aux attributs de la BD papier des gadgets interactifs, inspirés pour la plupart de jeux multimédias. Le format de lecture est adapté à l’écran en montrant au lecteur l’équivalent d’une demi planche. Les parties non lues sont grisées et découvertes petit à petit par le lecteur. Extraits

Opération Teddy Bear, extraits de pages écrans.

Il faut interagir avec la planche pour passer d’une case à l’autre. Parfois il suffit de cliquer sur la case suivante, parfois il faut attendre la fin d’une animation, d’autre fois encore il faut cliquer au bon endroit dans la page, parfois aussi, le curseur est remplacé par un élément de la bande-dessinée (un personnage voire même les affaires de Paul à glisser jusque dans les mains d’un soldat Allemand à la page écran 22/73). Des contenus éducatifs supplémentaires sont régulièrment cachés dans les planches . Le lecteur peut cliquer dessus pour avoir accès à des archives ou des informations historiques. Une fois toutes les cases de la page découverte, on peut passer à l’écran suivant grâce à une flèche présente à droite. Anecdoteshistoriques

Des anecdotes et informations historiques sont cachées au fil de la bande dessinée, elles sont dévoilées au passage de la souris.

Il faut avoir visualisé le contenu pour pouvoir accéder à la page écran suivante. Aussi, on ne peut pas feuilleter rapidement l’ensemble. Si l’on choisit de revenir en arrière, il faudra réactiver chaque mécanisme pour dégriser les cases composant la page. Finalement, cette interactivité rivalisant avec le récit, la lecture est rendue difficile par l’accumulation d’interactions. Opération Teddy Bear est tout comme The Killer un exemple de bande-dessinée dans laquelle le processus de lecture prend le pas sur l’histoire, et de ce fait, perturbe le rythme de lecture.

Le problème de la cohabitation difficile de la narration et du jeu est bien connu des théoriciens du jeu vidéo. Et si à l’heure actuelle les narratologues (qui analysent les jeux sous le prisme de l’histoire) et ludologues (qui considèrent que le jeu vidéo ne possède pas par nature d’instance énonciatrice, mais qu’il doit l’emprunter au cinéma ou à la littérature) se sont réconciliés. Leurs études permettent d’établir que l’interactivité est capable de générer du récit, mais qu’elle doit être considérée comme une composante de la narration plutôt qu’être ajoutée artificiellement si elle veut faire sens. De mon point de vue, Opération Teddy Bear offre un système de lecture trop contraignant. Le lecteur doit deviner à chaque case comment il est sensé s’impliquer avec l’objet qu’il a face à lui, créant ainsi une forme de frustration voire même d’exaspération de ne pouvoir accéder au récit au rythme qui lui convient. On se trouve plus souvent dans la position d’un joueur cherchant comment faire apparaître la case suivante que dans celle d’un lecteur. Ce qui a pour effet sur le long terme de briser l’attention nécessaire au suivi du récit. Allant parfois jusqu’au découragement du lecteur, faute de tutoriel ou de mode d’emploi indiquant comment avancer dans la lecture.

Malgré tout, Opération Teddy Bear a connu un certain succès à son époque. Peut-être le CDrom a-t-il ainsi habitué les lecteurs à l’idée de lire de la bande-dessinée sur écran, et inspiré quelques auteurs. Les lançant ainsi sur la piste de la bande-dessinée numérique.

Le Blog BD

Par comparaison le Blog BD représente en France la grande majorité de la création de bande-dessinée pour écran. Les premiers blogs apparaissent à la fin des années 90, certains se sont maintenus jusqu’à aujourd’hui, mais de nombreux blogs ont fini par disparaître au profit de publications sur les réseaux sociaux.

Les blogs BD sont majoritairement autobiographiques. Ils sont souvent l’occasion pour les auteurs de raconter des anecdotes légères sur leur quotidien. Le format blog offre la possibilité aux lecteurs de commenter et permet ainsi une grande proximité entre les auteurs et leur lectorat. Mais on trouve aussi des histoires inédites publiées sous forme de Blog BD. Formellement, les Blog BD sont très variés. On trouve au début des années 2000 des bande-dessinées publiées sous forme de strips horizontaux  le format est ainsi adapté à l’écran d’ordinateur, tout en étant suffisamment léger pour être supporté par la technologie de l’époque. Formathorizontal

La bande pas dessinée, Navo, premier post, 04/03/2007.

Petit à petit, les planches s’allongent jusqu’à proposer une lecture par défilement. Néanmoins, contrairement au webtoon8, les auteurs français n’éclatent pas complètement la composition des planches, et bien souvent, la version web est assez proche de ce que seraient plusieurs pages scannées mises bout à bout.

S’il est perçu par certains auteurs comme un simple espace de liberté, le Blog BD est progressivement devenu une méthode d’autopromotion pour de nombreux autres auteurs. En effet, l’engouement des spectateurs pour ces tranches de vie ont poussé les éditeurs à publier au format papier les blogs à succès (par exemple celui de Boulet  ou de Maliki). Peut-être est-ce l’envie de pouvoir exporter son blog sur le sacro-saint album papier qui pousse les auteurs à produire des planches organisées en pages ? En tous cas en France, les tests radicaux de mise en page sont assez marginaux. BlogBD

Le blog de Lewis Trondheim est composé de pages de carnets scannés. Les plus récentes se présentent en premier, les plus anciennes disparaissent au fil du temps. Extrait du blog Les petits riens de Lewis Trondheim, Lewis Trondheim.

On trouve malgré tout assez fréquemment du contenu augmenté comme des cases légèrement animées, des gifs, ou de la musique proposée pendant la lecture. Le blog permet également l’ajout de liens hypertextuels, Marion Montaigne source ainsi chacun de ses posts sur son blog Tu mourras moins bête. L’accès au contenu des blogs est complètement gratuit, les auteurs ne peuvent donc pas être rémunérés directement grâce au contenu de leur blog sur internet. C’est pour cette raison qu’ils espèrent pouvoir être ensuite publiés sur papier. La proximité avec les lecteurs permet parfois aux auteurs de se passer des maisons d’édition. C’est un travail exigeant, mais certains, grâce à leur notoriété ont choisi de se lancer dans l’autoédition. Maliki s’est lancée le 1er juin 2016 avec le strip à la croisée des chemins. En endossant le rôle d’auteur et d’éditeur et grâce à une communauté nombreuse et active, Souillon et Becky (les auteurs de Maliki) parviennent aujourd’hui à vivre de leur métier grâce au mécénat participatif. Ils impriment régulièrement des albums issus du blog grâce à des campagnes de financement participatif (ou crowfunding). Maliki

Maliki blog, à la croisée des chemins, Maliki, 1 juin 2016 - Strip n°374

Ils sont également actifs sur les réseaux sociaux, et postent simultanément le strip de la semaine à la fois sur le blog et sur les réseaux (Facebook, Instagram, Twitter) dans un format réadapté. Ce format, consiste souvent en une lecture dite « diaporama », c’est à dire du case à case. Cette méthode aujourd’hui réinvestie sur les réseaux sociaux est très proche de la BD antérieure à 2010. En effet, la bande passante n’était à l’époque pas suffisante pour proposer de longues bandes-dessinées requérant un pré-chargement efficace. Cette méthode de lecture en diaporama avait été repensée et améliorée avec le turbomédia.

Le turbomédia

Cette forme de bande-dessinée numérique a été inventée et brevetée en 2009 par l’auteur et storyboardeur Yves Bigerel, alias Balak  (Lastman, Les Kassos, ...). Rejoint par Malek, ils conçoivent ensemble le turbomédia comme une grammaire accessible à tout auteur souhaitant faire de la bande-dessinée numérique. Le turbomédia consiste essentiellement en un mode et outil de lecture. La bande-dessinée se déroule dans une fenêtre horizontale conçue pour une lecture sur ordinateur dans laquelle le lecteur fait défiler les planches, à la manière d’un diaporama. Le lecteur progresse dans l’histoire à l’aide d’un simple clic de souris sur le bord droit de la fenêtre ou en appuyant sur les flèches directionnelles de son clavier. Turbomédia Turbomédia

Extraits du turbomédia About Digital Comics, Balak, reposté sur la plateforme turbointeractive.fr, le 26 juillet 2017.

Ensuite, c’est aux bédéistes de faire preuve de créativité. Le système permet de superposer et réagencer cases et bulles au fil des clics. Malek arrivant du monde de l’animation, il a intégré avec brio des animations dans ses turbomédias. Les animations, très courtes ou en boucle peuvent apporter une dynamique au récit, tout en laissant au lecteur la sensation qu’il est maître du rythme de sa lecture. Le turbomédia, s’il perd la dimension spatiale complexe de la page de bande-dessinée, permet d’exploiter le phénomène de bas de page —dont Hergé s’était rendu maître— à chaque case. En effet, ce n’est plus la spatialisation des cases dans la planche qui donne le rythme au lecteur, mais le clic de l’internaute, que l’on peut associer au fait de tourner la page. Dans une bande-dessinée imprimée, le lecteur peut voir plus ou moins consciemment l’intégralité de la page avant de lire les cases une à une. De cette façon, la véritable surprise ne peut être que sur la page de gauche. Le lecteur peut savourer le suspense laissé dans la dernière case de la page de droite tant qu’il n’a pas fini de tourner la page. Passé ce moment, ses yeux le trahiront. Le format turbomédia préserve de cette lecture involontaire, puisque ne s’affiche sur l’écran qu’une seule case. En contrepartie, les effets de rythmes par spatialisation sont perdus. De ce fait, les auteurs utilisant ce format ont moins de possibilités pour rendre visible le passage du temps et rythmer le récit. Le turbomédia s’accorde très bien avec l’itération iconique 9, usage déjà facilité et répandu par le dessin informatique. Les turbomédia ont été réalisés le plus souvent grâce au logiciel d’animation Flash, nombre d’entre eux ne seront donc plus consultables en 2021. Ce nouveau cas d’obsolescence du web participera à l’oubli de nombreuses œuvres pourtant dignes d’intérêt.

Les Autres gens est une bande-dessinée en diaporama publiée entre mars 2010 et juin 2012 sur un site éponyme dédié . Le projet, porté par Thomas Cadène consiste en un feuilleton publié quotidiennement et dont le dessinateur change chaque jour.

Mathilde est étudiante en droit. Coincée dans un cursus qui ne lui plaît pas franchement, entre un père aussi râleur que gauchiste, une mère fatiguée et des amis un peu trop coincés à son goût. Son destin change le jour où elle rencontre Hippolyte Offman. Ce dernier qui l’interpelle dans un bar PMU, lui demande de compléter sa grille de Loto. En échange de quoi, s’il gagne, il lui offrira la moitié des gains. Heureux coup du sort, Mathilde se retrouve riche de 30 millions d’euros du jour au lendemain, sans même l’avoir souhaité. S’ensuit une longue période d’errance et de remise en question pour l’héroïne, dont on suivra le quotidien, ainsi que celui de son entourage à la fois proche et plus lointain. Le scénariste des Autres gens a lui aussi vécu quelques années d’errances, et possède un parcours atypique. Il obtient d’abord une licence en droit, mais ne sachant pas vers quel métier s’orienter, il enchaîne plusieurs petits boulots, s’essaie au marketing quelques années, puis devient serveur à Paris. Enfin, Thomas Cadène se lance dans l’illustration, et trouve sa voie à trente-et-un ans dans la bande-dessinée. Ces expériences consécutives lui offrent un regard sur les gens et la société que ne possèdent pas tous les jeunes auteurs. Elles lui auront permis de fréquenter des personnalités vivant parfois dans des milieux très éloignés du monde de l’art.

La bande-dessinée réussit bien à l’auteur, puisque dès ses débuts, il a la chance de pouvoir en vivre. Les éditions Paquet lui font confiance pour lancer leur collection Discover avec l’album À travers moi en 2007. En parallèle, il produit Regards croisés avec Gilles Aris au scénario chez Casterman pour la collection KSTR, collection pour laquelle il réalisera deux autres albums en solo (Rosalinde et Sextape). Mais, à l’issue de ce travail, en 2010 Thomas Cadène propose une nouvelle série à ses éditeurs qui la refusent.

À l’occasion du festival PPPIFBDM 2 10, Thomas Cadène et une dizaine d’auteurs, dont Bastien Vivès, Aseyn et Sébastien Vassant discutent de leurs projets de BD. Il évoque alors son envie de réaliser un feuilleton en bande- dessinée. Thomas Cadène est déjà familier de l’exercice. En effet, pendant un an durant la période où il était serveur, il a été l’auteur d’un feuilleton textuel qu’il distribuait par e-mail. Le projet de « bédénovéla » enthousiasme ses confrères Vincent Sorel et Bastien Vivès, avec qui il élabore le concept. Tout d’abord, ils décident que la bande-dessinée sera publiée en ligne. Le projet est trop risqué pour une maison d’édition, et le format web convient bien au rythme du feuilleton. De plus, les auteurs ont l’impression à ce stade de la production que la publication en ligne n’a rien de bien compliqué. Ensuite Thomas Cadène se donne pour objectif de produire un épisode par jour ouvré, sur une durée indéterminée. Cette grande quantité de planches à réaliser l’incite à envisager de travailler à plusieurs. Et pourquoi pas de changer de dessinateur à chaque chapitre. L’expérience a déjà été menée en France avec Chicou chicou , un Blog BD dans lequel cinq bédéistes se relaient sur une planche à la manière d’un cadavre exquis. Plus classiques, les comics (les séries Marvel par exemple) proposent à leurs lecteurs les mêmes personnages dessinés par différents dessinateurs d’une série à l’autre. Ces exemples permettent à Thomas Cadène d’imaginer que son projet est réalisable.

Il devient dès lors le chef d’orchestre d’un gigantesque projet. Au début, une vingtaine d’auteurs se relaient pour produire un épisode d’environ 36 cases par jour. Puis petit à petit, d’autre dessinateurs se joignent au projet, soit pour un seul épisode ou de façon plus régulière.

Est née une bande-dessinée très originale dans sa production. Rassembler autant de dessinateurs sur une même histoire était très ambitieux. Tant et si bien que l’auteur est devenu pour ce projet à la fois producteur, scénariste, dessinateur, éditeur, comptable et manager. Il lui a fallu à la fois réaliser le scénario au fur et à mesure, mais aussi aller chercher les dessinateurs et administrer les rémunérations de chacun. Les autres gens est sorti en 2010 un mois plus tôt que prévu pour ne pas être en concurrence avec la sortie d’Iznéo11, qui aurait pu faire de l’ombre au projet. Ces conditions ont poussé Thomas Cadène à travailler en flux tendu. Il n’était pas rare que le scénario soit livré aux dessinateurs à peine deux semaines avant la sortie programmée de l’épisode. Les Autres gens se présente sous la forme d’un site dédié. À l’ouverture, un bandeau cliquable surplombe la page ; Sur laquelle est inscrit Les autres gens, la série, les auteursforum. Chaque mention menant respectivement au menu, au dernier strip paru, à la liste des auteurs participants et au forum. Sous ce bandeau, le visiteur a accès directement aux derniers épisodes produits, dont il peut lire quatre cases avant de devoir se connecter. Plus bas, les news permettent d’avoir des informations sur l’état du projet. À droite, un fin bandeau vertical propose d’accéder à son compte, de recevoir la newsletter, d’aller visiter le forum, d’accéder aux épisodes plus anciens via les archives, ou de suivre la bande-dessinée sur les réseaux sociaux. Lesautresgens

Les Autres gens, page d'acceuil, Thomas Cadène.

Ce feuilleton est devenu la figure emblématique de la bande-dessinée en ligne possédant une économie viable. Le projet a en effet pu tenir jusqu’en 2012 tout en permettant aux auteurs d’être rémunérés au forfait. En effet, pour accéder aux strips, il fallait s’inscrire et payer un abonnement de 2€70 par mois (chaque mois rassemblant l’équivalent de 200 pages de BD). Chaque auteur était rémunéré au prorata du nombre de personnes lisant les pages qu’il avait produites. Aujourd’hui, on peut accéder à tout le site gratuitement grâce à des identifiants administrateurs fournis dans l’éditorial rédigé par Thomas Cadène accessible à l’ouverture du site. Cette décision a été prise car le projet coupé de sa dimension feuilletonnante a perdu de son intérêt premier. D’ailleurs, l’accès aux tous premiers épisodes n’est pas aisé, le site n’ayant pas été créé dans cette optique. On n’accède depuis le menu principal qu’aux derniers épisodes. Pour trouver le début de l’histoire, il faut se rendre dans les archives, présentées par dates, cliquer sur le mois souhaité, comme dans un blog, puis descendre en bas de la page pour cliquer sur le strip voulu. Lesautresgens Lesautresgens

Les Autres gens, archives, pages permettant d'accéder aux épisodes.

La bande-dessinée en elle-même est réalisée sur le modèle du turbomédia dans sa version la plus simple. Comme dans un diaporama, des cases horizontales, toutes de même format se succédent les unes aux autres quand le lecteur clique sur le bord droit de l’écran ou sur la flèche de son clavier. Sous le terminal de lecture, on peut accéder aux épisodes suivants sur la première ligne, et aux épisodes précédents sur la seconde. Plusieurs modes de lecture sont accessibles aux lecteurs. On peut choisir de faire défiler directement les cases, de passer en mode plein écran, de passer en mode pop-out c’est-à-dire que les cases sont en premier plan, tandis que le menu à l’arrière est grisé, ou en mode scrolling12 donc pouvoir faire défiler les cases de haut en bas. Les modes de lecture les plus intéressants sont bien entendu les modes de lecture cliquables, la bande-dessinée ayant été réalisée pour être lue de cette façon. On trouve également des options pour voir des miniatures de toutes les cases de l’épisode, ou lancer une lecture automatique de l’épisode.

Le turbomédia est à mon sens très adapté au soap opera. Genre qui déborde de rebondissements, de cliffhangers, et multiplie les situations permettant de creuser le développement de nombreux personnages, tout en étant constitué d’épisodes courts avec peu de grandes ellipses temporelles. Le parti pris de Tomas Cadène pour Les Autres gens est de faire du temps réel. c’est-à-dire chaque épisode se déroule le jour où il est posté. L’auteur n’en a pas fait pour autant une bande-dessinée d’actualité, même si elle résonne avec elle sur certains sujets. La présidentielle de 2012 par exemple a été mise en scène, et on trouve quelques références parmi les dialogues des personnages à l’affaire DSK, l’accident nucléaire à Fukushima. L’histoire est donc ancrée dans notre réalité, mais possède sa propre trame narrative.

Par exemple, dans l’épisode 271 : J’ai une faim effroyable sorti le 7 avril 2011, la conversation entre Louis et sa femme Yukiko, d’origine japonaise évoque le drame qui a eu lieu à Fukushima le 11 mars 2011 1. Yukiko qui se déplace en permanence partout autour du monde regrette de ne pas avoir été présente le jour du drame. S’ensuit une dispute entre les deux personnages. Louis trouve absurde le regret de sa femme. Elle lui reproche de ne pas comprendre ses sentiments. Yukiko

Épisode 271, J’ai une faim effroyable, Florent Grouazel, Thomas Cadène, 7 avril 2011.

Ce déroulement au jour le jour et en prise avec l’actualité rappelle les comic strips originels comme ceux de Winsor McCay publiés dans les journaux du XIXe siècle. Le web a d’une certaine façon ressuscité le strip quotidien par les blogs BD ou des initiatives plus originales comme Les Autres gens. Internet est fait d’une telle façon qu’il est vorace en contenus. Aussi, les auteurs prolifiques y sont valorisés. Le terrain est donc favorable pour un projet quotidien comme celui de Thomas Cadène.

Les Autres gens est devenu pour plusieurs raisons un projet symbole. Économique : Celui de la bande-dessinée en ligne qui fonctionne dans la durée et par la richesse du projet. Il faut signaler que c’était à cette époque la seule BD en ligne payante qui s’est maintenue sans faire faillite. Découvertes : C’est aussi un observatoire des jeunes talents de la bande-dessinée. En effet, le casting est riche et frappe fort dès le début avec un premier épisode dessiné par Bastien Vivès. De façon très audacieuse, le style de Vivès dans le premier épisode a été confronté à celui de Vincent Sorel dans le second. Une façon de prévenir les lecteurs très rapidement du système dans lequel ils s’engagent, et de les habituer à identifier les personnages malgré les changements de style. Styles

Épisode 1, Le 1, le 2, le 3, Bastien Vivès, Thomas Cadène, 1er mars 2010.

Styles

Épisode 2, Le loto c’était le dealer, Vincent Sorel, Thomas Cadène, 2 mars 2010

Un aide mémoire était imposé dans chaque épisode. Souvent sous forme de trombinoscope présentant les personnages qui participeront à l’épisode du jour, parfois en les pointant au cours du récit. Chaque dessinateur était libre de ses options tant qu’il se pliait à l’exercice. Thomas Cadène propose même un organigramme résumant les relations qui unissent les personnages (du moins au début de l’histoire) dans l’onglet Who’s who disponible à droite. Cet exercice est déroutant pour le lecteur, mais on s’habitue assez vite. Les dessinateurs qui participent de façon régulière permettent également de nous retrouver et de refaire le point régulièrement. Des résumés dessinés aidaient également à la compréhension chaque mois.

Thomas Cadène confesse dans une interview pour le journal Du9 « J’avais envie de jouer à Dieu » 13. Il a délégué le scénario à Wandrille Leroy, Joseph Safeddine et Marie-Avril Haïm pour une partie des épisodes, mais est resté très présent pour suivre le déroulé complet de l’histoire. Il lui a fallu déployer des trésors d’organisation pour gérer une équipe si importante. Par exemple, les dessinateurs avaient à leur disposition des sortes de model-sheets à propos de chaque personnage et lieux. S’y trouvaient des informations sur leur physique (parfois avec des modèles comme des acteurs), leurs goûts vestimentaires, etc. Malgré tout, le système a laissé une large place à l’interprétation de chaque dessinateur. S’ils n’avaient pas le droit de changer le texte ou le contenu du story-board livré par les scénaristes, la façon de dessiner les scènes a déterminé la perception du lecteur. Ce qui a parfois produit des effets intéressants. Par exemple, Stéphane Vaubert, l’agent immobilier qui vendra son appartement à Mathilde. À la suite de quoi elle couche avec lui de façon régulière sans qu’il n’ait même de bulle de dialogue. Elle évoque d’ailleurs dans l’épisode 35 : Des hypothèses de femmes sorti le 16 avril 2010, le fait qu’ils ne communiquent pas ensemble. Stephane Stephane

Extrait de l’épisode 35, Des hypothèses de femmes, Thomas Allart, Thomas Cadène, 16 avril 2010.

Ainsi pendant près de trente épisodes, Stéphane est quasiment inexistant, il n’a quasiment aucune ligne de dialogue, on ne sait presque rien de sa personnalité. Les dessinateurs ont donc eu des difficultés pour s’approprier ce personnage, et tout du long de cette période, le physique de Stéphane est très fluctuant d’un épisode à l’autre, quand ce n’est pas au sein même de l’épisode, donnant alors un caractère quasiment ectoplasmique au personnage. Stephane Stephane Stephane Stephane Stephane

Trombinoscopes présentant Stéphane et Dimitri à titre de comparaison. De haut en bas : Épisode 11, Ça sent le neuf, Aseyn, Thomas Cadène, 15 mars 2010. Épisode 12, Les hommes à talons, Tanxxx, Thomas Cadène, 16 mars 2010. Épisode 14, On va voir ce qu’on peut faire, Clotka, Thomas Cadène, 18 mars 2010. Épisode 16, De mauvaises raisons, Bandini, Thomas Cadène, 22 mars 2010. Épisode 18, Bien sûr faut avoir envie, Manu Xyz, Thomas Cadène, 24 mars 2010.

Il semble faire partie des possessions de Mathilde. Il ne s’émancipera de ce statut d’homme objet qu’à la suite d’une crise qui les incitera à voyager tous les deux. Le discret agent immobilier se métamorphose alors en ancien militaire sûr de lui et capable de suivre Mathilde dans ses folies. Donner beaucoup d’argent à Mathilde était selon moi un bon choix scénaristique. Dès le premier chapitre, Mathilde révèle à son amie Camille qu’elle a baisé Arnaud, le play-boy de la promo. Elle se place alors en personnage libre, dominant et autonome. Elle ne tombe pas amoureuse du play-boy, ne se fait pas d’illusions quant à la poursuite de leur histoire, mais se place immédiatement en figure conquérante. Elle a désiré Arnaud, donc elle l’a pris. La suite de l’histoire sera l’occasion pour elle de remettre en question ses actes. Vouloir posséder quand on est une jeune étudiante n’a pas les mêmes conséquences que lorsque l’on possède 30 millions d’euros. Néanmoins, cette force de caractère en fait un personnage intéressant, qui ne se laisse pas manipuler malgré un élément déclencheur brutal et des péripéties nombreuses.

Thomas Cadène propose avec Les Autres gens un projet original et de grande ampleur qui, s’il n’exploite pas toutes les possibilités de la bande-dessinée numérique, aura permis à de très nombreux autres auteurs de s’y essayer. Il a dès lors pu mettre en valeur de nombreux talents, et prouver que la bande-dessinée en ligne peut fonctionner et rassembler un lectorat solide et solvable.

Le webtoon

Il existe un vaste lectorat de bande-dessinée numérique en Corée du Sud. La politique du pays à la fin des années 90 a été de parier sur le développement du pays via le déploiement du haut-débit et l’amélioration des technologies. Aussi, pour de nombreux coréens, lire sur son portable est une habitude prise depuis le début des années 2000. En conséquence, une forme de bande-dessinée numérique appelée le webtoon (contraction entre webscroll et cartoon) s’y est développée. Elle tend à faire sa place en France ces dernières années, le confinement dû au coronavirus ayant renforcé son influence. Les premiers webtoon ont été publiés dans ce pays en 2003 sur les portails web Daum et Naver. Ils sont aujourd’hui optimisés pour une lecture sur smartphone.

À l’origine, la technologie ne permet que la publication de l’équivalent d’une planche scannée. Mais petit à petit, l’amélioration du pré-chargement permet d’adopter une mise en page verticale avec défilement, adaptant la lecture de cette bande-dessinée à nos habitudes de défilement sur le web. La découverte progressive des cases liée à la lecture par défilement donne une sensation de fluidité. Cette particularité incite les auteurs de webtoon à laisser plus d’espace au blanc entre les cases. De plus, suivant les expérimentations réalisées par les mangaka japonais, les auteurs coréens n’hésitent pas à éclater cases et bulles dans l’espace de la planche virtuelle. La lecture sur smartphone induit quelques adaptations, notamment un corps d’écriture assez gros, aussi, les bulles de textes prennent-elles parfois beaucoup de place dans l’image. Webtoon

Depuis quelques temps, les auteurs français s’emparent de ce format. Lastman par exemple, a été publié simultanément en format webtoon et imprimé. Cette histoire à la forme hybride est éditée en ligne par Delitoon et en format papier par Casterman. La série —réalisée en douze albums entre 2013 et 2019 par Balak, Bastien Vivès et Michaël Sanlaville— promet de l’action. En effet, les trois auteurs se sont alliés avec le projet de faire une bande-dessinée « d’aventures, jouissive, sans prétention, divertissant, mais pas débile »14.

Les jeunes bédéistes ayant baigné dans l’univers du manga depuis leur enfance, se sont délibérément tournés vers les codes du shônen manga. Peu de cases par pages (entre 3 et 6), des diagonales fortes, beaucoup de gros plans, des cases obliques ou triangulaires et quelques éléments sortis de leurs cases pour ajouter du dynamisme à la composition. L’une de leurs ambitions était de publier au rythme des auteurs nippons, soit un chapitre d’une vingtaine de pages par semaine. Pour tenir ce rythme soutenu, il leur a été nécessaire de travailler de concert. La trame principale de l’histoire est mise en place par Bastien Vivès et discutée en équipe. Ensuite, le story-board est écrit par Balak, responsable de la mise en page adaptée à la fois à une lecture scrollée sur Delitoon, et au format d’impression de l’album. La sortie par chapitre incite à rythmer le récit avec un rebondissement à chaque fin de chapitre, sur le mode « à suivre ». Enfin, Bastien Vivès et Michaël Sanlaville passent au dessin. Tous deux ont déjà collaboré à Holliwood Jan. La contrainte du grand nombre de pages à réaliser chaque semaine a fixé des limites graphiques à ces auteurs. Ils ont préféré éviter toute gratuité, et se sont tournés vers une forme de sobriété esthétique. Ainsi, seules les premières pages de chaque tome (une dizaine) sont en couleur, le reste se présente en noir et blanc (plus une tonalité de gris). Le style de Bastien Vivès s’est imposé face à celui de Michaël Sanlaville (qui s’affirme tout de même sur les couvertures dès le tome III). On reconnaît ses dessins épurés, presque sans ombres, ses trais ouverts et un peu tremblants, ajoutés à son système d’encrage avec une teinte de gris qu’on lui connaissait déjà dans Polina.

Que raconte Lastman ? Le héros, Adrian Velba, 9 ans, va pouvoir participer pour la toute première fois au grand tournoi de combat annuel organisé par le roi Virgil et la reine Efira. Le jeune garçon espère gagner pour soutenir sa mère, Marianne, qui l’élève seule. Il s’est entraîné avec ferveur dans l’école de combat de maître Jansen pour pouvoir participer, et Vlad, son partenaire chétif n’entame pas son enthousiasme. Malheureusement, Vlad tombe malade peu avant le début du tournoi. L’équipe est forfaite avant même d’avoir pu s’inscrire, et il faut être deux pour participer. Alors que la situation semble désespérée pour Adrian, un inconnu surgit et lui propose de faire équipe pour gagner la coupe. L’homme s’appelle Richard Aldana et personne ne l’a jamais vu dans la région, mais il a l’air très fort… Lastman

Lastman, extrait du tome 1, Balak, Sanlaville, Vivès, 13 mars 2013.

L’histoire commence de façon assez classique. Le lecteur qui a déjà lu des œuvres du genre, a déjà croisé le héros au cœur pur, la jolie maman avec du caractère, l’homme bourru mais tendre. Il connaît aussi par cœur le thème porteur du shônen classique qu’est le tournoi et ce peu importe le type de compétition présenté dans l’ouvrage). Ce départ sans extravagance permet de mettre en confiance le lecteur et de l’aider à entrer dans l’univers plus complexe que les auteurs mettent en place par la suite. Les références des auteurs sont multiples, et si une partie des codes du manga est utilisée, c’est seulement après avoir été digérée par les auteurs et adaptée. On a bien affaire à un manga à la française, et pas à une parodie de manga.

Lastman est une œuvre chorale, c’est à dire que dans chaque tome, un personnage différent se démarque pour devenir le personnage principal. Grâce à ce procédé, les auteurs ont pu développer leurs personnages d’une part, mais aussi aborder des thèmes et des questions différentes dans chaque album. Ils proposent au lecteur des personnages très cohérents, et des questions peu abordées dans l’univers du manga comme la relation mère-fils, ou l’étranger sans gêne dans un pays qui n’est pas le sien. Les dessinateurs ont établi des limites de registre dans l’objectif de pouvoir s’adresser aux adolescents (on ne trouve dans la série, ni pornographie, ni violence gratuite).

L’histoire se découpe en plusieurs arcs narratifs, dont un est réalisé, non pas en bande-dessinée, mais en série animée comprenant vingt-six épisodes de onze minutes. Une seconde saison de 6 épisodes de 45 minutes est en cours d’écriture sous le titre Lastman, l’onde de choc ; Elle est prévue pour 2021. Balak, Vivès et Sanlaville partagent une passion pour les collectors et les produits dérivés, ont décidé de garder une partie des droits que les auteurs cèdent d’habitude à leur maison d’édition pour produire par eux-mêmes des multiples dérivés de Lastman. Chronologiquement, la série animée Lastman se situe avant le début de la bande-dessinée, découpée elle-même en deux volets : un premier centré sur l’histoire d’Adrian, et le second plutôt sur Elorna et les interactions entre le monde d’Adrian et celui d’Aldana. Les deux arcs narratifs se développent en six tomes imprimés. Derives

Affiche de Lastman, série animée réalisée par Jérémie Perin, diffusée sur France 4 à partir de novembre 2016, puis sur Netflix.

Les auteurs ont choisi de faire avec Lastman une véritable œuvre transmédia. Aujourd’hui existent simultanément la bande-dessinée (à la fois en papier et en format webtoon), un préquelle en série animée15, un spin-off en bande-dessinée16, mais aussi un jeu vidéo de combat17, et un magazine hors-série18. Toutes ces œuvres se complètent et étoffent l’univers créé par les auteurs. Derives

Couverture du magazine fictif Sexy sirène, 2014.

Avant même de produire tous ces dérivés, la BD Lastman était pensée pour les deux supports d’édition : l’écran et l’imprimé. C’est une véritable prouesse technique qu’a réalisé Balak en dessinant chaque semaine un story-board d’une vingtaine de pages adapté tant à la lecture scrollée qu’au papier. La version web de la bande-dessinée est organisée assez différemment de la version papier. Il ne s’agit pas de simples pages scannées, mais d’une œuvre agencée pour l’écran.

Quand on commence la lecture sur Delitoon, chaque chapitre s’ouvre par la couverture de l’album. C’est un code commun aux webtoon que de posséder un entête indiquant pour chaque chapitre le titre de la série, et le nom des auteurs. Habituellement, beaucoup de blanc est laissé à la fin du chapitre, accompagné des crédits. Laissant ainsi le temps au lecteur de comprendre que le chapitre est fini. On ne retrouve pas ce code dans Lastman, et de ce fait les fins de chapitres qui sont un peu brusques, laissent penser qu’une partie du chapitre n’était pas encore chargée. Par rapport au livre, les cases sont réorganisées pour être disposées les unes sous les autres plutôt que côte-à-côte. Les gouttières jouent un rôle fondamental en bande-dessinée. Et leur rôle est encore renforcé avec le format webtoon, puisque c’est le temps de scroll qui va produire les effets de temporalité. Le format web et la potentialité d’un espace de la page « infini » permettent d’éclater la disposition des cases. Pour des raisons pratiques, le webtoon ne s’étend qu’en hauteur, mais la distance entre les cases peut être agencée et augmentée à loisir. Les cases de Lastman sont donc réorganisées pour être mises les unes sous les autres. Les cases des scènes d’action auront tendance a être placées en décalé les unes sous les autres, pour créer des diagonales dynamiques, tandis que les scènes plus calmes seront disposées plus sobrement, les unes sous les autres. papierWebtoon

Mise en relation du même passage dans sa version imprimée et webtoon. À gauche : Lastman, version webtoon tome 1, chapitre 1. À droite : Lastman, version imprimée, tome 1 page 9, Casterman, collection KSTR.

Entre le format web et le papier, les échelles sont à peu près conservées. Probablement pour une question pratique de réalisation, parce qu’il aurait été difficile de véritablement tout changer et de repenser non seulement la disposition des cases, mais aussi leur taille. Mais je reprocherai à la version web de Lastman de ne pas avoir suffisamment agrandi les petites cases. Bien qu’il soit compréhensible que les auteurs n’aient pas voulu créer de différence d’épaisseur de traits en agrandissant des cases. La lecture est de ce fait, adaptée sur un écran d’ordinateur, mais plus difficile sur smartphone.

Je donnerai également l’exemple un peu décevant selon moi de la page 18 (ch.1 sur Delitoon), qui propose une première case toute en longueur pour introduire le tournoi. On y voit un coup de feu d’artifice tiré sur la ville. Si cette case avait été agrandie pour être disposée en plein écran, on aurait pu obtenir un très bel effet de plongée dans la scène. Notre regard serait descendu le long de la traînée flamboyante pour arriver sur la ville. Ce genre de descente progressive, quand elle est bien réalisée peut produire un effet de zoom artificiel. Néanmoins, dans la mise en page papier, cette case est placée à côté d’une autre longue case. Les auteurs ont donc conservé les proportions, et ne l’ont pas placée en plein écran, privilégiant ainsi un fort contraste avec la case précédente, une case horizontale montrant la maison d’Adrian et de sa mère. papierWebtoon

Mise en relation du même passage dans sa version imprimée et webtoon. À gauche : Lastman, version webtoon tome 1, chapitre 1. À droite : Lastman, version imprimée, tome 1 page 18, Casterman, collection KSTR.

Certains passages sont plus efficaces sur écran que sur papier. (Par exemple les pages 126-127 (chapitre 7 sur Delitoon )). Il s’agit d’un enchaînement de cases présentent des bribes de combats de plusieurs personnages, évoquant ainsi le tournoi qui poursuit son cours. La page 126 est constituée de cases non rectangulaires, très anguleuses et éclatées. La version pour écran permettant d’avoir plus d’espace, les cases sont moins bien « rangées ». Elles débordent, cassant la propreté des bords de page et renforçant l’idée d’un tournoi dangereux et difficile. Puis plusieurs cases recentrent le récit sur les personnages principaux et annonçent leurs victoires. Ces cases sont toutes verticales, de la même taille et placées les unes sous les autres. Chaque portrait de personnage est accompagné d’un mot annonçant leur victoire. Cet enchaînement de cases similaires est cassé par une case horizontale montrant Adrian, à terre. Le fait de faire défiler l’histoire provoque un effet de surprise et renforce l’effet de différence écrasante entre Adrian et les autres combattants. papierWebtoon

Mise en relation du même passage dans sa version imprimée et webtoon. À gauche : Lastman, version webtoon tome 1, chapitre 7. À droite : Lastman, version imprimée, tome 1 page 126-127, Casterman, collection KSTR.

Lastman est à ce jour l’une des rares propositions de bande-dessinée dont le passage de l’écran au papier est aussi fluide et bien mené. Son aspect transmédia est lui aussi très apprécié et permet d’entrer dans l’univers par plusieurs voies. Si Lastman propose un contenu imprimé semblable à sa version sur écran, il ne s’agit pas pour autant d’une bande-dessinée numérisée. Mais dans ce cas, quelle différence entre bande-dessinée numérique, et bande-dessinée numérisée ?

Bande-dessinée numérisée

La définition de la bande-dessinée numérique que propose Simon Kansara19 pour le livre Bande-dessinée et numérique20, me paraît claire et juste. Elle trace la frontière entre bande-dessinée numérique et bande-dessinée numérisée. « La BD numérique peut exister lorsqu’elle cherche des sensations de bande-dessinée nouvelles, propre à la lecture sur écran. À ce titre, il est important de faire la distinction entre BD numérique et BD numérisée. La BD numérisée transpose une œuvre qui n’est pas destinée a priori à un mode de lecture numérique. La BD numérique essaye d’explorer comment la création en bande-dessinée peut tirer parti d’une lecture sur écran pour proposer de nouveaux effets non imprimables. » En d’autres termes, la bande-dessinée numérisée consiste en une adaptation à l’écran d’une bande-dessinée papier. Tandis que la bande-dessinée numérique supporte un projet créé pour une lecture à l’écran. Les BD numérisées sont bien souvent utilisées par les maisons d’édition papier comme outil marketing. Soit pour permettre aux lecteurs de découvrir un extrait de la bande-dessinée promue, soit sur des plateformes comme Izneo, comme véritable proposition d’accès numérique à l’œuvre. Je trouve personnellement la bande-dessinée numérisée bien souvent très décevante. Elle perd l’essentiel des qualités qui font de la BD un média si spécifique, et peuvent rendre totalement impropre à la lecture de nombreux albums conçus pour une lecture papier. Fréquemment, la numérisation des albums ne permet pas aux lecteurs d’accéder aux double pages. De plus, les écrans étant plus petits et non homothétiques aux albums, le lecteur devra constamment zoomer et dézoomer pour pouvoir accéder au contenu des bulles.

Deux exemples de bande-dessinées numérisées sont pourtant intéressantes. D’abord, l’exemple historique du CDrom Maus sorti en 199521. Art Spiegelman à la suite d’une exposition au MoMA22 de son travail sur Maus et d’une énième demande d’interview à propos de son œuvre a choisi de rassembler son matériel de travail et ses recherches sur un DVDrom destiné à des lecteurs ou universitaires souhaitant en savoir plus sur son processus de travail. Maus

CDrom Maus, Art Spiegelman, 1995, document historique commenté par A. Spiegelman dans une vidéo attenante.

Le CDrom contient des interviews de l’auteur et des notes audio, des extraits d’enregistrement de son père Vladek, l’arbre généalogique de la famille Spiegelman, des cartes et divers documents d’archives. Il contient surtout l’intégralité de The complete Maus23 scanné, et augmenté page à page de croquis originaux ou de bandes sonores complémentaires. Maus

CDrom Maus, Art Spiegelman, 1995, recherches graphiques d’A. Spiegelman.

Le dispositif de lecture est composé d’un volet étroit à gauche, et d’un panneau principal à droite. Dans le panneau principal, les planches sont montrées page à page, coupées en deux horizontalement pour s’adapter à l’écran d’ordinateur. Le volet de gauche contient la table des matière permettant de revenir au menu, une visualisation de la page présentée à droite avec laquelle le lecteur peut interagir. Il peut défiler le long de la page, mais aussi cliquer sur des cases mises en valeur sur la console de gauche, représentant les cases à propos desquelles le DVDrom possède du contenu additionnel, comme des croquis préparatoires ou des photos d’archives. En haut du bandeau de gauche peuvent s’ajouter selon les planches une icône indiquant au lecteur qu’il a accès à des enregistrements sonores. Maus

CDrom Maus, Art Spiegelman, 1995 Planches scannées mises à disposition des lecteurs. La console de gauche indique que la première et troisième case sont augmentées de croquis de l’auteur. La tête de souris en haut à gauche signale un enregistrement sonore d’Art Spiegelman.

Le cas de Maus est intéressant parce qu’il apporte par le multimédia une dimension supplémentaire à la bande-dessinée d’origine. De plus Maus n’est pas un dispositif de lecture, mais un support d’étude de la bande-dessinée éponyme. On suppose que la personne qui ouvre le CDrom a déjà lu la bande-dessinée Maus, elle en connaît l’histoire et souhaite accéder à des contenus supplémentaires via cet objet multimédia. Mais en aucun cas, Maus n’est lisible, au sens d’une lecture agréable et suivie sous cette forme. Cette bande-dessinée scannée n’a pas vraiment vocation à permettre de lire l’histoire sur un autre support que le papier, mais plutôt à lui ajouter une dimension supplémentaire pour un usage différent, ici, l’étude génétique et le plaisir documentaire.

Parfois, le choix de mettre à disposition des bande-dessinées numérisées peut également répondre à la vocation de conserver des œuvres pour les rendre accessibles une fois tombées dans le domaine public. C’est l’objectif de Manga library Z, une plateforme mise en place par Ken Akamatsu24 sous le nom de J-comi en 2011. La plateforme donne accès aux manga dont la licence est échue au Japon. Les lecteurs peuvent y lire en ligne de nombreux mangas de leur choix. Le site, gratuit, rémunère les auteurs référencés grâce à la publicité. Sinon, les lecteurs peuvent s’abonner (pour 330¥, soit un peu plus de 2€ par mois) ainsi, ils peuvent accéder à des PDF d’un manga de leur choix par mois, et naviguer sur le site sans publicités.

Le mangaka a mis en place ce site dans l’intention de lutter contre la  lecture pirate, tout en permettant aux auteurs dont les ouvrages ne seront plus réimprimés de pouvoir toucher quelques revenus sur leurs anciennes productions. Le site propose exclusivement des planches scannées en japonais. Initialement, il développait des outils intéressants comme l’inclusion de la traduction automatique sur les cases, permettant ainsi aux non japonophones d’accéder aux contenu du site. Néanmoins, cette fonctionnalité a par la suite été mise de côté. Si le site ne propose rien de nouveau en terme de confort de lecture, la position de lutte contre le piratage par la mise à disposition gratuite du contenu me semble efficace. C’est une réponse pertinente dans ce cas précis. MangaZ

Manga library Z, Love Hina, tome 1, page 9, Ken Akamatsu, 1998, outil de traduction activé.

Je proposerais pour finir l’étude d’une bande-dessinée numérique très aboutie. Cette bande-dessinée à faire défiler de gauche à droite est désignée par ses créateurs sous le terme bande défilée.

Bande défilée

Œuvre de Marietta Ren, Phallaina est une bande-dessinée sans cases, disponible exclusivement sur smartphone et tablettes. L’œuvre sortie en 2016, après cinq ans de développement, fut très rapidement saluée par la critique, notamment lors du festival d’Angoulême où elle fut présentée en avant-première. La bande défilée requiert en moyenne une heure trente de lecture. Dans ce projet, M. Ren nous conte le récit initiatique d’Audrey, jeune traductrice souffrant depuis son plus jeune âge de crises hallucinatoires au cours desquelles elle voit des baleines. Souhaitant guérir, l’héroïne se rend chez un neurochirurgien, le Dr Chaillet. D’après son diagnostic, les hallucinations passagères d’Audrey seraient des crises d’épilepsie. Il découvre également que la jeune femme est porteuse d’un physeter, une anomalie structurelle du cerveau qui permet notamment à ses porteurs de rester extraordinairement longtemps en apnée. En conséquence, il propose à Audrey de participer à un essai clinique qui lui permettrait de mieux gérer ses crises en exploitant sa particularité. Les soins consistent à réaliser des tests d’attention et des sessions d’apnée pendant lesquels Audrey aura le temps d’en apprendre plus sur elle-même et sur ceux qui l’entourent. Elle noue une amitié particulière avec Chloé, une jeune chercheuse dévouée à l’étude du physeter. Cette dernière lui fera découvrir la légende des Phallaina, êtres mi-baleines, mi-humains, qui feront étrangement écho à ses hallucinations, ainsi qu’à ses capacités sous-marines hors-normes.

L’autrice vient du monde du cinéma d’animation, story-boardeuse ayant travaillé notamment sur Ernest et Célestine, Avril et le monde truqué et la série Wakfu. Elle s’essaie à la bande-dessinée en 2010 en compagnie d’Eugénie Couture avec Je suis Deux. Elle y développe un style graphique mélange d’influences manga et art-déco, ainsi qu’un noir et blanc très tranché, dont elle revendique l’inspiration d’Aubrey Beardsley25. Elle dessine déjà des personnages aux courbes fluides. Avec Eugénie Couture, elle transcrit avec finesse les émotions des personnages dans un récit entre album poétique et bande-dessinée.

Après la parution de ce premier album, Marietta Ren pense le projet Phallaina. Elle envisage dans un premier temps une histoire courte sur un rouleau de papier, se lisant à la manière d’un parchemin chinois. Mais très vite, son story-board prend de l’ampleur, et il devient évident que l’histoire ne tiendra pas sur un rouleau de papier. C’est alors qu’elle envisage l’écran et la capacité du web à accépter des pages quasi-infinies. Elle crée alors une maquette numérique contenant un tiers de l’histoire qu’elle propose à différents éditeurs de bande-dessinée traditionnelle. Tous refusent car ils trouvent le projet trop ambitieux. Elle se tourne alors vers son éditeur Pierre Catan, patron du studio transmédia Small bang. Pierre Catan, enthousiasmé par le projet, demande des financements à France télévision ainsi qu’au CNC (le projet coûtera tout de même 300 000€26). Une équipe de sept personnes se forme alors pour augmenter la bande-dessinée.

L’équipe est composée de Côme Jalibert27, Christophe Da Silva28, Julien Baret29, Martin Bessin et Jérôme Perrillat30, David Benmussa31, Yoann Minet32, ainsi que les producteurs : Alexandrine Stehelin33, et Pierre Cattan34. On retrouve également Eugénie Couture, qui a collaboré au projet en rédigeant le texte sur les Phallaina. Tous ensemble, non contents de simplement réaliser une bande-dessinée à faire défiler de gauche à droite, ajoutent du son, de légères animations, ainsi que des effets de parallaxe qui viennent appuyer les hallucinations d’Audrey. De plus, la page web initiale devient une application gratuite, disponible sur smartphones et tablettes. Phallaina

Phallaina, extrait, chapitre 1, Marietta Ren, 2015. Le titre de la bande défilée est dévoilé comme le générique d’un film.

L’idée très ingénieuse de Marietta Ren est de réaliser une BD qui défile de gauche à droite, sans cases. Les transitions se font par astuces graphiques. Chaque élément doit non seulement exister pour lui-même, mais aussi servir de transition pour le dessin suivant. Ce système très exigeant demande à l’autrice de construire une continuité de l’image sur la longueur. Mais le résultat est un système de lecture très fluide, très proche de la façon dont le regard se promène naturellement, donc très intuitif. Phallaina

Phallaina, extrait, chapitre 2, Marietta Ren, 2015. L’autrice se passe de cases grâce au décor et à des astuces graphiques

Les formes s’enchaînent, se mêlent avec fluidité, liquidité même, qui par moment devient confusion. Confusion d’Audrey, prise dans ses cauchemars. Liquidité du décor où flottent les baleines, fluidité du corps d’Audrey dans la piscine de plongée. Le choix du dessin en noir et blanc facilite les transitions entre les éléments. Ce procédé sert très bien le récit de M. Ren, entre bouffées délirantes et finesse des sentiments. Les hallucinations d’un personnage sont le terrain idéal pour exploiter les transformations graphiques. On trouvait déjà dans les années 70 des bédéistes inspirés par le surréalisme, et la vague psychédélique, comme Nicole Claveloux croquant avec brio des objets dégoulinants, bizarres, se transformant au gré des cases. Ancrée dans les problématiques de son époque, M. Ren nous rappelle que la bande-dessinée, et d’avantage le cinéma d’animation, sont des arts qui excellent dans l’exercice de montrer la métamorphose.

En voici quelques exemples : Dès le premier chapitre, on observe la ville sur pilotis apparaître puis s’éloigner pour laisser la place au ciel derrière Audrey. Les nuages derrière l’héroïne deviennent ensuite son ombre dans le sable. Elle s’enfonce ensuite dans la mer, en plongeant, ses cheveux qui s’étendent à la surface remplissent l’écran de noir dans lequel se meuvent de petits poissons blancs. Une structure architecturale apparaît, des lignes verticales blanches donnent la sensation d’une perspective accompagnant la première bulle. Les poissons sont toujours là, ils nagent entre ce que l’on devine être des poteaux blancs. Les poteaux deviennent alors des lignes courbes, comme des algues suivant les courants. Vient alors le titre, nous lisons le générique. Marietta Ren utilise beaucoup d’éléments graphiques simples comme des lignes verticales pour recréer des séparations entre les actions et rythmer son récit, à la manière de cases.

Le chapitre cinq est également frappant. Dans ce chapitre, Chloé raconte à Audrey la légende des Phallainas ; Dans ce chapitre, on observe la transformation des baleines en humains, Marietta Ren utilise le grand nombre de baleines pour découper la transformation à différents stades entre chaque individu. La transformation progresse au rythme du défilement du lecteur. Plus on va vers la droite, plus les personnages deviennent humains. Phallaina Phallaina Phallaina

Transformation des Phallainas. Phallaina, extrait, chapitre 5, Marietta Ren, 2015.

Le mythe des Phallainas qui n’appartient qu’à ce récit est représenté par une fresque sur les murs du Centre dans lequel Audrey est hospitalisée. Le style graphique représentant le mythe est un petit peu différent du reste de l’histoire, s’approchant un peu plus d’une stylisation d’influence antique. L’autrice propose ici une mise en abyme. Nous lisons la fresque que lit Audrey, sur un format rappelant lui-même la fresque. Avec le système de lecture de la bande défilée, la dessinatrice est revenue en quelque sorte vers une forme de bande-dessinée primitive qu’est par exemple la tapisserie de Bayeux, ou la fresque antique. C’est symboliquement une réussite, puisque Phallaina devient un mythe moderne, s’appuyant sur une mythologie inventée, mais proche de la mythologie antique. Ce passage prend d’ailleurs forme dans la réalité sous la forme d’une fresque imprimée. Cette frise d’un mètre de haut pour cent trente deux mètres de long a été exposée dans de nombreux lieux en France pour promouvoir la bande-dessinée. Elle place le spectateur dans la position d’Audrey, et accrédite l’idée d’un mythe créateur. Phallaina Phallaina Phallaina

Certains éléments, sont légèrements animés lorsque le personnage principal fait une crise d’épilepsie. Phallaina, extrait, chapitre 1, Marietta Ren, 2015.

L’application Phallaina une fois téléchargée permet une consultation hors ligne pour retrouver le calme que propose un livre. À l’ouverture, une page d’accueil s’ouvre directement en paysage et en plein écran, il n’y a aucune distraction visuelle pendant la consultation. Pour quitter, il faut cliquer sur l’écran ; Là se propose en haut une icône composée de deux barres horizontales. En cliquant sur celle-ci, on arrive au menu qui se compose d’un serpentin représentant l’histoire. Seize points sont disséminés le long du fil bleu, symbolisant les chapitres. Une bulle ronde indique la progression réalisée dans l’histoire —qui est enregistrée à chaque ouverture de l’application—. On peut la faire glisser le long du serpentin pour avancer ou revenir en arrière. Le glissement n’est pas toujours évident sur téléphone, l’écran étant un peu petit, en revanche, l’utilisation est parfaite sur tablette. Une image dans la bulle permet d’indiquer l’action centrale du chapitre. En haut à gauche on peut accéder aux informations générales (noms des membres de l’équipe, mentions légales, etc.). Deux langues sont disponibles en haut à droite, français ou anglais. En bas à droite, il est possible de s’identifier, pour partager la lecture. L’application retiendra alors des progressions différentes de lecture. En bas, s’offrent deux possibilités, reprendre du début ou continuer la lecture. Phallaina

Pendant la lecture, des sons viennent renforcer la narration. La plupart du temps, ce sont des bruits légers et discrets (bruit des vagues, musique d’ambiance, bruit des animaux marins). Parfois, des bruits ponctuent véritablement la lecture, anticipant l’action (bruit d’éclaboussures quand Audrey plonge). Tandis que certains bruitages et musique renforcent les actions et émotions des personnages, d’autres sont presque intrusifs. Je pense au chapitre sept dans lequel Audrey fait des exercices de respiration. On serait tenté de suivre les instructions lues et de respirer à notre rythme, mais entendre la respiration de l’actrice sort de l’expérience de lecture. Elle impose son tempo de respiration, et avec lui, quelque part, un rythme de lecture. Mais le reste du temps, le son est suffisamment discret pour que Phallaina ne soit pas un dessin animé. Le rythme de lecture est laissé au lecteur qui peut à loisir accélérer ou ralentir sa progression sans que l’espace sonore soit en cause. La musique ne comporte pas de mélodie et les transitions sont suffisamment subtiles pour qu’on puisse même revenir en arrière. En dehors de quelques bruitages précis qui m’ont sortie de la lecture, il me semble que l’équipe a plutôt réussi l’exercice périlleux de l’inclusion du son dans une bande dessinée.

Pour conclure à propos de Phallaina, je dirais que c’est une expérimentation qui a été menée avec brio. Le projet est complet, l’histoire est fine, la forme a du sens et est bien réalisée. Le lecteur participe avec beaucoup de plaisir dans l’histoire proposée par l’autrice. Néanmoins, cette œuvre est tellement marginale (et sa production assez inédite est onéreuse) qu’elle n’influencera probablement que peu le secteur conventionnel de la bande-dessinée. Espérons néanmoins que cet exemple original de bande défilée inspirera d’autres auteurs talentueux qui pourront utiliser un système proche, et incitera les lecteurs et des producteurs à exiger plus de contenus de qualité sur écran.

Éditeurs et plateformes

Les frontières entre éditeurs et plateformes peuvent être floues sur internet. Néanmoins ce sont deux statuts —notamment juridiques— très différents. Le travail de l’éditeur consiste à créer un support adéquat pour transmettre le travail de l’auteur à ses lecteurs. C’est-à-dire qu’il va d’abord sélectionner des textes, les corriger, les transformer en un objet adéquat, puis trouver un public pour celui-ci. Il va donc créer de la visibilité pour le livre via la publicité, mais aussi en envoyant des exemplaires aux libraires pour que ceux-ci puissent les conseiller aux clients. On considère donc que l’éditeur est légalement responsable du texte. Il sera le premier condamné en cas de délit de presse. L’hébergeur de son côté est un technicien dont le travail est de faciliter l’accès au web au public. Il fournit un espace sur lequel n’importe qui peut poster du contenu. Si quelqu’un poste un contenu illicite sur sa plateforme, l’hébergeur ne sera tenu pour responsable que s’il en a connaissance et qu’il n’agit pas promptement pour l’effacer ou le rendre inaccessible. Les bandes-dessinées que l’on trouvera sur des plateformes ou des sites d’éditeurs seront donc différentes. Celles présentes sur des sites d’éditeurs auront été choisies par ceux-ci en fonction non seulement de la qualité de la BD, mais aussi de la politique éditoriale de l’éditeur. À l’inverse, les plateformes proposeront des bandes-dessinées très hétéroclites. L’objectif même de l’un ou de l’autre des sites est différent. Celui des éditeurs sera bien évidemment de vendre des bande-dessinées, tandis que celui des plateformes est uniquement de mettre un espace numérique à disposition des auteurs. La plateforme Mangadraft par exemple, a été créée pour que les auteurs amateurs puissent poster leurs histoires, recevoir des retours du public et ainsi, se perfectionner.

Conclusion

De nombreuses voies ont été explorées par les auteurs de bande-dessinées pour adopter le numérique. Si les éditeurs ne gratifient encore que peu les expériences en ligne, certains commencent à s’organiser. Tandis que nombre d’auteurs profitent de cet espace encore laissé libre pour s’affranchir des circuits traditionnels en s’adressant à une autre catégorie de lecteurs que les habituels consommateurs de bande-dessinée franco belge.

Le web peut tout à la fois être un outil de propagande et de désinformation, qu’un outil de démocratisation et d’éducation. Depuis quelques années, de nouvelles plateformes naissent et ainsi, popularisent et structurent de nouvelles pratiques éditoriales. Financement et mécénat participatifs redéfinissent les rôles des lecteurs et des auteurs. Le patronage que l’on envisage bien souvent de façon très verticale, est remis à plat par ces nouveaux usages. Les lecteurs se trouvent responsabilisés, ils peuvent choisir de façon personnelle et collective de soutenir et de protéger un auteur. Un relation de confiance entre auteurs et lecteurs peut se mettre en place grâce aux nouveaux outils numériques. Les communications sont plus directes, les lecteurs ont la sensation de connaître personnellement, l’auteur, créant alors une forme d’empathie entre les deux parties. Les créateurs, eux, ne sont plus mis en avant selon les choix d’une élite mais en fonction de leur popularité.

Il faut rester prudent malgré tout, la loi du like peut créer de nouveaux clivages, plus diffus et donc plus difficiles à cerner.

Ces nouvelles pratiques, même si elles ne conviennent pas à tous, pourraient participer au changement définitif de la profession. Peut-être dans une direction plus démocratique et plus juste pour tous les acteurs de la chaîne du livre.

Plateformes de diffusions et éditeurs numériques

Maisons d’édition

Iznéo, plateforme leader de bandes dessinées en ligne en France et en Europe. Fondée en 2010 par douze éditeurs historiques majeurs de bande dessinée franco-belge associés pour l’occasion (Bamboo, Casterman, Dargaud, Dupuis, Futuropolis, Gallimard, Le Lombard, Steinkis, Rue de Sèvres, Bayard, Kana, Ankama), la plateforme propose un catalogue très fourni issu du catalogue de ces maisons d’édition composé essentiellement de planches scannées. Elle propose depuis quelques temps des webtoons, et en 2016, s’est mise au simultrad35 sous l’impulsion de la maison d’édition kana dans l’espoir d’attirer un public plus jeune. Iznéo est accessible en payant un abonnement (à partir de 6€99 par mois) ou en achetant les bande dessinée par album ou chapitre. De nombreux partenariats avec Orange ou Amazon proposent des abonnements gratuits aux personnes possédant des comptes chez les entreprises partenaires.

Webtoon factory, est une filiale des éditions Dupuis. L’éditeur en ligne lancé en 2019 propose du contenu original sous forme de webtoon dont les créateurs sont pour la plupart Européens. Quelques chapitres sont disponibles gratuitement pour découvrir les œuvres disponibles, ensuite, webtoon factory fonctionne par abonnement (2€99 par mois avec un engagement à l’année, 3€99 par mois sinon).

Delitoon, est un éditeur en ligne de webtoon. Fondé en 2011, le site propose du contenu orienté pour un lectorat féminin. On y trouve exclusivement des bande dessinées au format webtoon et essentiellement des bédéistes asiatiques. De nombreux chapitres sont proposés gratuitement à la lecture pour découvrir les séries, puis le lecteur se voit proposé d’investir dans des coins, une monnaie virtuelle grâce à laquelle il peut débloquer la lecture des chapitres de son choix. Chaque chapitre coûte 3 coins actuellement (décembre 2020, hors promotion). Les coins s’achètent par packs, au minimum 25 pour 4,99€.

Collection RVB, fondée en 2018, est une maison d’édition entièrement dédiée à la bande dessinée numérique, le site propose des bande dessinées originales et adapte le système de lecture à chaque projet. On trouve à la fois des turbomédias, mais aussi des bande dessinées scrollées et des bande dessinées interactives (et parfois un peu des trois à la fois). Les lecteurs peuvent s’abonner à partir de 3€ par mois, ou choisir d’acheter l’album de leur choix (entre 3 et 10€ ).

Auto-édition

Bayday, est une plateforme d’autoédition fondée en 2019. Elle permet à n’importe quel bédéiste de publier son travail au tarif de son choix. L’auteur touche 70 % du prix de ses ventes, ce qui est un pourcentage très élevé. Les bande dessinées peuvent être sous forme de pages scannées ou de bande dessinée scrollée. Les auteurs décident du tarif auquel ils veulent rendre disponibles leurs chapitres. Certains sont donc gratuits, d’autre payants à des tarifs variables, par chapitre ou album. Le lecteur fait l’acquisition de « perles » avec lesquelles il pourra payer pour accéder à l’œuvre de son choix.

Mangadraft, est une plateforme créée en 2015 par Laurent Ghesquiere, elle permet à toute personne qui le souhaite de publier son travail. On y trouve des planches scannées, des webtoon et des histoires textuelles. L’aspect communautaire du site est très fort, avec une importance accrue des commentaires plus ou moins objectifs et la possibilité de voir qui est abonné à qui. Permettant ainsi un accès gratuit, sans publicité aux histoires, mais avec la possibilité pour les lecteurs d’acheter des « jetons » qu’ils peuvent distribuer aux auteurs de leur choix (la plateforme prend entre 10 et 20 % sur ces dons). Les auteurs peuvent aussi mettre en avant leurs comptes sur les réseaux sociaux ou des plateformes de financement participatifs comme Tipeee.

Semi auto-édition

Naver Webtoon, Naver est une entreprise d’informatique sud-coréenne. Elle possède notamment un moteur de recherche homonyme auquel elle a ajouté en 2004 un service de bande dessinée en ligne Naver Webtoon. Leader en webtoon, la plateforme s’est ouverte à l’international en 2014. Elle propose un très vaste choix de webtoon professionnels et amateurs. Actuellement, Naver Webtoon propose pour le moment tous ses contenus gratuitement en France, le tout sans publicité. La plateforme cherche à s’implanter sur le marché français pour ensuite mettre en place un système de paiement au chapitre (comme c’est déjà le cas en Corée) ou d’abonnement.

Grand-papier, la plateforme la plus ancienne. C’est un projet de la maison d’édition de bande dessinée l’employé du moi. Le site, né en 2007 permet aux auteurs de s’auto-éditer après avoir reçu l’aval d’une commission qui décidera s’ils pourront publier leurs histoires sur Grand-papier. On peut y trouver des histoires scrollées, mais aussi des turbomédias et des bande dessinées numérisées. Les auteurs ont le choix du format qui leur convient le mieux. L’accès à toutes les créations est gratuit, sans publicité.

Remerciements

Je remercie en premier lieu Bastien Vivès pour sa participation et sa bienveillance. Son témoignage a été très éclairant pour moi. Merci également à l’équipe pédagogique de l’Ésad Valence, plus particulièrement à Alexis Chazard, Gilles Rouffineau, Marie Gaspar, et Tom Henni. Je remercie aussi Frédéric Wecker et Vanina Géré, instigateurs du cours « we think comics » à l’ENSAD Nancy.

Notes


  1. Bédéiste et théoricien de la bande dessinée devenu célèbre avec L’Art invisible. Il est né en 1960 à Boston (USA). 

  2. Cycle de conférences donné en 2017 au Musée des Arts décoratifs de Paris, Pour une histoire de la bande dessinée. Disponible à ce jour sur Youtube 

  3. Roger Chartier, Le livre en révolutions : entretiens avec Jean Lebrun. Édition Paris, collection textuel, 1997.  

  4. Bédéiste et théoricien de la bande dessinée spécialiste de la bande dessinée numérique. Il est né en 1986 en France. 

  5. Conférence à propos de la bande dessinée numérique, dans le cadre d’une résidence organisée par le centre du livre et de la lecture de Poitou-Charentes, 2016 médiathèque de Poitiers. Disponible à ce jour sur Youtube 

  6. Un chapitre sera consacré à l’explication du turbomédia

  7. Bande dessinée interactive éducative à succès, réalisée par Édouard Lussan et éditée en 1996 sous forme de CDrom par Flammarion et Index+, puis rééditée en 1999. 

  8. Dont je parlerai plus tard. 

  9. Répétition de la même image sur plusieurs cases. 

  10. Plus Petit et Plus Informel Festival de Bande Dessinée du Monde, qu’il a créé avec Sébastien Vassant. 

  11. Une plateforme de lecture en ligne mise en place par un collectif de maisons d’éditions importantes. 

  12. Scroller est un angliscisme désignant le fait de « dérouler » les pages internet en les faisant défiler de haut en bas. 

  13. Thomas Cadène, interviewé par Xavier Guilbert pour le journal en ligne Du9 en juin 2012 

  14. Bastien Vivès dans une interview pour Le Monde par Cédric Pietralunga, publié le 04 avril 2013 à 18h19 - Mis à jour le 26 août 2013 à 12h29 

  15. Réalisée par Jérémie Perin en 2016. 

  16. Lastman Stories - Soir de match, écrit par Alexis Bacci et Bastien Vivès. 

  17. Lastfight, sorti en 2016 et développé par l’éditeur indépendant Piranaking

  18. Sexy sirène comprenant de nombreuses illustrations de charme, c’est un magazine fictif existant dans l’univers de Lastman

  19. Auteur et scénariste audiovisuel, notamment de MediaEntity. 

  20. CNRS Éditions, 2016. 

  21. Édité par Voyager Compagny à New York, puis réédité par Flammarion en France en 2011 sous le titre MetaMaus et couplé alors à un livre. 

  22. Museum of Modern Art. 

  23. La version américaine de Maus I et II

  24. Mangaka auteur d’Ai non stop et Love Hina

  25. Marietta Ren dans l’article La « bande défilée », un ovni dans la BD pour Le Monde, par Frédéric Potet, le 27 janvier 2016 à 14h17. 

  26. Interview de l’autrice pour l’institut français. Rencontre animée par Ziad Maalouf, RFI avec Marietta Ren, dessinatrice et Charles Ayats, designer interactif. 

  27. Sound designer et directeur musical. 

  28. Directeur technique, développeur du moteur. 

  29. Technicien en animation et compositing. 

  30. Assistants réalisateurs. 

  31. Graphisme. 

  32. Typographie. 

  33. Productrice exécutive et chargée de production. 

  34. Producteur délégué et directeur de création. 

  35. Contraction de traduction simultanée, le simultrad est le fait de traduire le jour de la sortie au Japon les chapitres de manga.